dimanche 11 novembre 2012

Les victimes oubliées

Lorsque l'on voyage en Asie du Sud-Est, on ne peut faire abstraction des guerres qui se sont deroulées dans ce coin du monde à la fin du 20ième siècle; la guerre du Vietnam étant celle ayant le plus marqué nos vies de jeunes adultes, nord américains, des années 60. Le Laos qui avait signé à Genève, en 1962, un accord international garantissant sa neutralité et interdisant toute présence militaire étrangère dans le pays se retrouva, de par sa situation géographique, au cœur même de la guerre de son pays limitrophe à l'Est, le Vietnam. C'est en passant par le Laos que les Nord-Vietnamiens, communistes, souhaitaient se rendre au Sud-Vietnam afin de combattre leur compatriotes, alliés des États-Unis. C'est également  au Laos que la CIA installa et finança une base et une armée secrète de 11 0000 Hmongs (lao des montagnes) afin de combattre l'ennemi communiste et c'est toujours au Laos que l'armée américaine déversa des MILLIONS de bombes contenant des MILLIONS de "bombies" qui jonchent toujours le sol. Durant cette période, de 1964 à 1973, des milliers de laotiens se sont cachés et ont vécu dans des grottes. Sur le chemin vers Phonsavan, nous avons visité une de ses grottes, la grotte de Tham Pha où se sont refugiés plus de 5 000 personnes.
Lors de notre visite à la plaine des Jarres, notre guide nous a informé brièvement de la situation mais c'est surtout en visitant le Centre d'information sur les UXO (unexploded ordnance) dirigé par le MAG (Mines Advisory Group) www.maginternational.org/laopdr que nous avons mesuré l'ampleur de l'horreur : entre 1964 et 1973, les États Unis ont largué plus de 2 millions de tonnes de bombes au cours de 580 944 sorties, 80 millions de ces bombes n'ont pas explosé. Une seule bombe contient 670 "bombies" de la grosseur et couleur d'une balle de tennis et qui elle-même contient 300 fragments de métal. Des villes, des villages et des milliers d'hectares de forêts ont été complètement rasés, entièrement détruits et le sol lourdement contaminé. De 1964 à 2007, plus de 50 000 accidents ont été répertoriés dont 20 000 après 1974, sur ces 50 000 accidents, 60% ont causé la mort et 40% ont provoqué de sérieux handicaps. Entre 2008 et 2011, on répertorie 395 accidents ayant tué 170 personnes. Plusieurs de ces victimes sont des enfants qui confondent les bombies avec des ballons ainsi que des villageois qui travaillent au champ.




Dans un pays ou plus de 60% de la population vit de l'agriculture et où le niveau de pauvreté est l'un des plus élevé au monde, l'accès des villageois à la terre de manière sécuritaire est fondamentale. De retour de la plaine des Jarres nous avons vu un camion MAG et une équipe de démineurs à l'oeuvre, je dois dire démineuses, car de plus en plus de femmes réalisent ce travail. Certaines zones près des résidences, des écoles et des zones propices à l'agriculture sont déminées pour une deuxième fois car on craint, qu'avec les années, certains explosifs remontent à la surface. De plus, les sols étant lourdement contaminés par les métaux et les produits toxiques se dégageant des bombes, il est très difficile de reboiser les montagnes environnantes car plusieurs espèces végétales ne survivent pas.
Dans ce contexte, la ténacité des paysans laotiens pour déminer, décontaminer et reconquérir leur terre est héroïque. Finalement, l'aide internationale et le gouvernement du Laos soutiennent des initiatives locales visant à faciliter la réinsertion et la rééducation physique de ces victimes oubliées.




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